Journal de bord

Tranches de vie, gueuletons, récits de voyage et généalogie.

06 juin 2024

Catacombes

Jusqu’à une heure avant, on n’était pas sûrs de pouvoir y aller. Tout dépendait du collègue de Qasar, qu’il essayait de convaincre de nous emmener depuis un moment. Il était même question qu’on y aille sans lui, ayant fourni une carte, la description d’une des entrées et des explications générales à Qasar. J’ai mis un véto car je n’étais pas rassuré par les quelques vidéos d’expéditions dans les catacombes que l’on peut trouver sur internet.

Et une heure avant donc, le gars se motive et nous confirme qu’on peut se donner rdv en bas de chez lui pour une courte exploration! Vega, que j’avais rencontré l’hiver dernier, était en attente également, et on lui indique les infos pour qu’il nous rejoigne.

En terme d’équipement:

  • Lampe frontale évidemment (pas retrouvé ma Black Diamond donc c’est une Décathlon)
  • Sac à dos, avec eau et petits snacks au cas où ça se prolonge
  • Qasar me prête un pantalon technique car on est prévenus : il va y avoir de l’eau.
  • Baskets qui peuvent prendre l’eau
  • Sweat à capuche

On se retrouve en bas de chez Jehan, qui lui a un équipement plus adapté: des cuissardes et un sac étanche (qui visiblement en a vécu quelques unes). J’ai énormément de questions car le milieu des catacombes reste très mystérieux, mais pour l’instant j’évite de le bombarder, pour plutôt faire connaissance au fur et à mesure. Il nous emmène à l’entrée, qui n’est pas très loin de chez lui. Il y a des escaliers qui nous emmènent dans un tunnel de plusieurs centaines de mètres. 2 jeunes ados sont là et se préparent visiblement à faire la même chose que nous: ils nous précédent dans le tunnel, jusqu’à l’entrée, qui est en fait un trou pas très large dans une sorte de caniveau un peu profond. A la vue de l’étroitesse du passage d’entrée je ne me sens pas très rassuré mais je me dis que si Jehan passe, je passe. On entre tous les 4 un par un, en enlevant le sac pour ceux qui en ont. De l’autre côté on est obligés de s’accroupir dans le tunnel, le plafond étant trop bas. Je prends sur moi-même, mais de toute façon en avançant un peu, le tunnel devient plus grand et on peut tous tenir debout sans problème. Jehan sort une enceinte et met de la musique. L’expédition commence !

Au loin, on voit la lumière des 2 jeunes. C’est bien sûr Jehan qui fait le guide, c’est-à-dire qu’il suit notre progression au fur et à mesure sur la carte. Au début j’essayais de retenir les virages que l’on prenait aux intersections mais j’ai fini par perdre le compte, alors on s’est entièrement reposé sur notre guide. La bonne surprise c’est qu’il a gardé en tête qu’on voulait aller voir la Plage, cette salle nommée ainsi à cause du sable au sol, et dans laquelle il y a une fresque de la grande vague de Kanagawa.

Le tunnel est plus propre que ce que j’aurais cru, avec de temps en temps tout de même des sachets plastiques, des canettes de bière… Et des restes de fumigènes artisanaux, Jehan nous expliquant que c’est la manière des cataphiles de repousser les non-initiés comme nous afin d’éviter que les lieux deviennent trop fréquentés. Ça m’étonne qu’il ne se considère pas lui-même comme cataphile, sachant qu’il nous revèle que sa 1e fois dans les catacombes il avait 12-13 ans. En fait pour être cataphile il semble falloir descendre suffisamment souvent pour faire partie de la communauté. Sa dernière descente remonte à 3 ans auparavant.

On a marché à peine 10mn qu’on croise les 2 jeunes qui rebroussent chemin: ils nous disent qu’au carrefour d’après il faut faire attention, quelqu’un est là et s’amuse à faire peur. Probablement un cataphile, justement, qu’on se dit. On avance prudemment, Jehan nous faisant signe de faire silence régulièrement pour déceler des bruits suspects. Finalement on ne croise personne, mais par contre le tunnel commence à avoir de l’eau au sol. Au début on essaie de ne pas se mouiller mais rapidement on se rend compte qu’il n’y a pas le choix: il faut avancer dans l’eau. Ça montera jusqu’au genoux, tout de même.

Je pose au fur et à mesure toutes les questions qui m’intriguent, sur la police, que faire si on croise des gens, les rats/insectes, les fêtes clandestines, le gars “qui aurait réussi à rester 2 mois là-dessous”. On se rend tous compte que Jehan nous fait une belle fleur en faisant notre guide et en acceptant de nous donner toutes ces informations. Il avait prévu de se faire un dîner d’aligot avec sa chérie…

On tombe une ou deux fois sur des échelles qui mènent à la surface, et une fois sur juste une colonne, une sorte de puits vide sans échelle avec tout en haut la lumière du jour. C’est à ce moment-là qu’on se rend compte qu’on doit être à 15m, peut-être 20, sous terre.

La notion du temps semble différente dans les catacombes, mais on arrive relativement rapidement à la Plage. Notre guide nous a fait un plaisir de nous donner quelques explications sur certains détails pittoresques, comme des plaques de noms de rues, une tranche d’histoire sur un bâtiment de Paris, un morceau de mur maçonné à telle date, et autres anecdotes de brasserie Gallia et d’effondrements de tunnel… Peut-être pas cataphile mais passionné!

A la Plage, on prend quelques photos mais il nous emmène explorer d’autres salles à proximité tout aussi intéressantes, le Cellier et la salle de cinéma. On mitraille tout ça, profitant qu’il n’y ait absolument personne. Pour accéder à ces salles, il a fallu un peu se contorsionner dans un passage plus étroit. Finalement on s’y fait (il suffit juste de faire abstraction des tonnes de roche au-dessus de sa tête), et de toute façon ce ne sont pas des chatières, ces boyaux parfois longs de 25m dans lesquels il faut ramper avec aucune possibilité de pouvoir ne serait-ce que lever la tête 😱

On se pose autour d’une table circulaire et ses bancs, le tout ayant été taillé dans la pierre, et on partage nos snacks. En regardant l’heure on s’aperçoit avec surprise qu’une heure est déjà passée. Qasar avait dit à Chamarel qu’on serait sortis à 21h alors qu’il est déjà 21h10! (Ai-je besoin de dire qu’il n’y a pas de réseau, ni de GPS dans les catacombes ?)

Personnellement je serais bien rentré par le même chemin qu’à l’aller mais ce n’est pas l’option retenue: on prend un chemin différent. De temps en temps on sent du fumigène dans l’air, et arriva ce qui devait arriver: on entend un groupe au loin devant nous dans le tunnel. En s’approchant, on sent même une odeur de plus en plus prononcée de Marie-Jeanne. Conformément aux instructions de notre guide, on passe rapidement en marmonnant des “bonjours” mais manifestement trop timides à leur goût. C’était un groupe de 7-8 personnes environ, 2 ou 3 d’entre elles étaient assises sur un banc dans un genre de renfoncement sur la droite tandis que le reste était debout. En croisant un de ceux qui étaient debout, il fait une remarque sur ma frontale et lance d’une voix forte “c’est du Décathlon ça, c’est du Décathlon!”. Puis un de ceux qui est assis (Qasar et moi sommes sûrs qu’il y en avait un qui était habillé en femme) lance, de manière très forte également : " Alors, ça dit pas bonjour et ça s’arrête pas!". Quelques dizaines de mètres plus loin on s’arrête pour débriefer et Jehan nous demande si on a dit bonjour. Puis il s’aperçoit en continuant notre chemin qu’il n’est plus sûr de notre position. Il décide par 2 fois d’aller tout seul en reconnaissance un peu plus loin pour repérer des indices lui permettant de se retrouver. On en mène pas large, à surveiller nos arrières au cas où le groupe que l’on a croisé décide de nous suivre pour nous jouer un mauvais tour… Jehan nous fait même retourner sur nos pas, et au bout de 10mn de flottements, on retombe sur nos pattes!

Mais l’aventure ne s’arrête pas là car le tunnel dans lequel on progresse se remplit d’eau au fur et à mesure, ce qui finit par nous ralentir considérablement : au plus profond l’eau nous arrive aux hanches! Jehan nous annonce qu’il y a un trou dans une de ses cuissardes. Ça soit, soit l’eau était de toute façon trop haute, mais quoiqu’il en soit, une fois revenus enfin à un sol sec, il retourne ses cuissardes et vide quelques litres par terre. Je ne pense pas avoir été le seul à avoir eu bien envie de rentrer à ce moment-là, mais malgré ça on a quand même pris le temps de poser pour quelques photos: c’est pas tous les jours qu’on a la chance de vivre ça !

Enfin, au détour d’un carrefour, on retombe exactement sur le tunnel qu’on avait pris à l’aller. A partir de là on a pu considérer que c’était du gâteau. Même croiser à 3 reprises des groupes de 3-4 personnes était anecdotique à ce stade, d’autant qu’ils avaient tous l’air de faire leur 1e expédition comme nous. Seul dernier obstacle à notre retour à la surface: 2 portails ont été fermés dans l’escalier qu’on avait descendus à l’aller, que l’on doit maintenant escalader pour pouvoir remonter.

Au final c’était bien physique !